Santé : assiste t’on à une explosion de la consommation d’antibiotiques depuis deux ans ?

Santé : assiste t’on à une explosion de la consommation d’antibiotiques depuis deux ans ?
01 Déc. 2023

Une hausse de 16,6% a été enregistrée cette année en termes de consommation d'antibiotiques. Cette augmentation s'apprécie par rapport aux chiffres de l'année dernière mais aussi de l'année précédente. Ce qui fait de 2023 la deuxième année consécutive où ce chiffre s'élève en comparaison à 2021. L'épidémie de COVID-19 y a été pour quelque chose. 

Les données relatives à la consommation d’antibiotiques en milieu urbain (hors hospitalisation) pour l’année 2022 ont été partagées par la SPF (Santé Publique France) le lundi 13 novembre dernier. Une deuxième augmentation sur deux ans d'affilée a été constatée. Dans 3 semaines, la campagne « Les antibiotiques, bien se soigner, c’est d’abord bien les utiliser » sera lancée. Il en va de même pour les anti-inflammatoires La publication de cette information vient donc précéder la première diffusion qui est prévue le vendredi 1er décembre.

Bien qu'il était auparavant déjà souligné que « les antibiotiques, c’est pas automatique », la question qui se pose est la suivante : pourquoi leur consommation reste-t-elle importante ? Quand on fait l'analyse des chiffres qui se rapportent aux deux dernières années, l'on doit en quelque sorte relativiser par rapport notamment à l’épidémie de Covid-19.

 

Un retour aux chiffres habituels une fois l’épidémie de Covid-19 passée

Un examen en détail des données partagées par Santé Publique France rend compte de la réalisation de 800 prescriptions d’antibiotiques pour 1 000 habitants. Cela a été fait au cours de l’année (hors hospitalisation). Ce chiffre se traduit par une hausse de 16,6 % par rapport à 2021. 

Quoiqu'il en soit, on n'égale pas encore les chiffres relatifs à 2019, qui restent supérieures. Il faut noter que c’est en 2020 qu'une baisse notable des prescriptions d'antibiotiques a été relevée. C'était en plein contexte de crise sanitaire de Covid-19.
 
Cela veut dire que l'augmentation connue dernièrement témoigne d'un retour à la normale dans la consommation d'antibiotiques postérieurement à la crise. On ne peut donc pas parler d'une attitude tendancieuse des consommateurs à davantage prendre ces médicaments. Laetitia Gambotti, la responsable de l’unité infections associées aux soins et résistance aux antibiotiques de Santé Publique France, trouve une explication de ce constat dans le fait que l'application des gestes barrières engendre une efficacité contre les infections bactériennes. 
Concernant l'obtention de données stables se rapportant à la consommation des antibiotiques, elle a ajouté la nécessité d'attendre les chiffres de 2023.
D'après les explications de Yasmine qui est pharmacienne en région parisienne, une baisse des malades a dans l'ensemble été connue en France. La raison qui en est tout à fait logique vient de cela que le coronavirus consiste en une infection virale contre laquelle les antibiotiques n'ont pas d'effets. 

Cette pharmacienne nous apprend également la prévalence des trois épidémies sévissant en hiver. A savoir : le Covid-19, la grippe et la bronchiolite, notamment chez les enfants. 

La combinaison de ces trois épidémies implique également une forte hausse des consultations médicales. Cela se retrouve bien dans les résultats de l’enquête de SPF. Judith Loeb Mansour, médecin généraliste à Argences (Calvados) a expliqué que la prise d'antibiotiques peut toutefois devenir indispensable dans la mesure où il y a surinfection de l'infection virale et que celle-ci en devient alors bactérienne.

 

Restreindre le recours aux antibiotiques…

Comme les antibiotiques sont indiqués pour combattre les infections bactériennes telles la pneumonie, la scarlatine, les infections urinaires ou certains types d’angines, ils n'ont pas particulièrement d'efficacité contre les virus. En l'occurrence, contre le Covid-19 ou la grippe par exemple.
 
On se demande ainsi pour quelle raison une restriction de la prise d'antibiotiques est recommandée ?

Les désagréments ne s'arrêtent pas à l'insuffisance du stock rencontré en hiver dernier. Il réside surtout dans ce que les spécialistes appellent "antibioresistance". Cela se traduit par une baisse d'efficacité voire une inefficacité des antibiotiques quand leur consommation devient trop importante. 

Laetitia Gambotti souligne que l'antibiorésistance est la conséquence d'une consommation excessive d’antibiotiques. Il est en effet possible que les bactéries deviennent résistantes à l’action de ces dernières et que celles-ci soient alors rendues inutiles.

Deux cas peuvent se présenter : soit l'action des antibiotiques devient plus lente, soit elle devient totalement inefficace. Le risque de mortalité est donc important notamment pour les personnes les plus vulnérables. Cette précédente explication appuie les termes du docteur Judith Loeb Mansour qui avance la nécessité de faire une prescription à bon escient desdits médicaments. Qu'ils ne fonctionnent plus est véritablement problématique puisque leur utilité est loin d'être moindre.

 

Restreindre leur prescription

Une certaine catégorie d'infection répond donc bien au traitement par les antibiotiques. Le Dr Judith Loeb Mansour, avoue pour sa part avoir trouvé des petites astuces permettant de faire une prescription d'antibiotiques pour les cas où la nécessité est avérée.  Ainsi, elle prend l'exemple d'une prescription d'analyse sanguine à une femme qu'elle connait avoir eu une infection simple récente. Dans ce cas, elle privilégie donc la réalisation d'analyse au lieu d'écrire une ordonnance d’antibiotique. Cette médecin généraliste rappelle en outre que "Certaines infections peuvent aussi se guérir toute seule." Cela vient du travail des globules blancs. 

Le Trod ou test rapide d’orientation diagnostique est par ailleurs le dispositif permettant au niveau des pharmacies de prendre en charge d'une meilleure manière les angines. C'est en particulier une prescription inutile d’antibiotiques qui en est évitée.

 

Une bonne utilisation des antibiotiques pour les particuliers

Ce ne sont pas uniquement les professionnels qui sont les cibles des campagnes de Santé Publique France. Leur diffusion se fait aussi en direction du grand public. Le fait est que la bonne utilisation des antibiotiques concerne tout le monde sans exception.

Laetitia Gambotti fait le rappel des bons gestes qu'il faut adopter :

  • on prend des antibiotiques seulement quand ils ont été médicalement prescrits;
  • Respecter en même temps les doses et la durée du traitement ;
  • Éviter de prendre les restes d'antibiotiques d'une infection bactérienne précédente bien qu'on a les mêmes symptômes qu'auparavant. 

La meilleure attitude à avoir est de rapporter les comprimés restants en pharmacie. La délivrance des antibiotiques au comprimé, j’y suis assez favorable, soutient le docteur Judith Loeb Mansour. Elle précise que "parfois les gens se trompent". 

Elle confie d'ailleurs avoir déjà eu un patient qui avait pris de l'amoxicilline pour traiter sa sciatique !

L’automédication représente une réalité problématique. Le danger qu'il peut en découler constitue une véritable source d'inquiétude. C'est la raison pour laquelle il importe au moins de se rendre en pharmacie. Se faire suivre est par contre la meilleure attitude à adopter.

 

Tout ne se soigne pas avec des antibiotiques

Judith Loeb Mansour est pour une responsabilisation des patients dans le cadre de la prescription médicale. Elle ne cache pas l'existence de pressions venant des patients à certains moments. Elle a par exemple été déjà confrontée à une patiente qui insistait pour se voir prescrire des antibiotiques.

Comme elle jugeait inutile de lui en prescrire, elle s'efforça de ne pas céder à la pression de la patiente. Ce qui n'était pas facile du tout.
« Mais pour moi il n’y avait pas d’intérêt. Elle m’a mis la pression, c’était horrible », poursuit Judith Loeb Mansour. » J’ai vraiment dû faire un effort pour ne pas lui prescrire. » 

Quand la patiente en question est revenue deux jours après, le docteur avait compris qu'elle avait eu le Covid-19 et n'avait effectivement pas besoin d'antibiotiques. Son état de santé s'était déjà amélioré. Du côté des pays qui consomment  le plus d’antibiotiques en Europe, le nom de la France se retrouve bel et bien dans le top 5 On s'est ainsi fixé pour but de "faire diminuer la consommation d’antibiotiques de 25 % à l’horizon 2025".

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